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Depuis plus de trente ans les associations de protection de l’environnement et de défense des consommateurs informent sur les dégradations subies par les milieux aquatiques. L’Europe lance un ultimatum à la France pour qu’elle débarrasse enfin ses eaux bretonnes des nitrates qui les polluent ; ultimatum assorti d’un dernier délai (trois mois), histoire de ne pas faire de vague en période électorale. Chacun sait pertinemment que la Bretagne (notamment) doit se lancer dans une véritable révolution verte qui suppose une remise en cause profonde de l’agriculture productiviste.
Pourtant, l’Etat semble encore vouloir se boucher les yeux et jouer la montre ; si tel n’était pas le cas, au moins jouerait-il la transparence. Il n’en est rien ; les lobbies ont la peau dure et les personnels des services statistiques, sensés fournir des données objectives, une rude tâche.
Pour nouvelle preuve, un courrier reçu à la rédaction de Citron Vert, suite à la parution récente de notre article sur La facture d’eau domestique en 2004. Ce courrier, nous a été adressé par une personne, travaillant au Service statistique du ministère de l’Agriculture qui nous apporte quelques informations supplémentaires sur la façon dont l’enquête a été menée.
Il explique tout d’abord que l’enquête est commune à l’Institut français de l’environnement (Ifen)et au Service central des enquêtes et études statistiques du ministère de l’Agriculture (Scees) ; c’est ce dernier à qui a été confiée la collecte des données, l’Ifen ne possédant pas de réseau d’enquêteurs. La confection de l’enquête a été faite par les deux organismes et sa publication est pareillement disponible dans les collections de l’Ifen et du Scees.
Néanmoins, il nous signale ensuite qu’il regrette, à titre personnel, ne pas avoir pu aller aussi loin que son service l’aurait souhaité dans l’analyse de la cherté de l’eau.
« L’Ifen a ainsi refusé que nous évoquions la présence des nitrates dans les eaux bretonnes comme cause des tarifs élevés dans la région. C’est d’autant plus ridicule que tout le monde le sait. » (De nombreux articles de presses, d’Ouest France au Télégramme, l’ont d’ailleurs signalé, quand bien même cela ne figurait pas dans l’étude.)
« L’Ifen a aussi refusé que nous allions un peu plus loin dans les comparaisons de prix entre les régies publiques et le secteur privé. Le public est en moyenne moins cher que le privé. »
« Pour justifier ces écarts, les opérateurs privés prétendent mettre en œuvre des technologies plus élaborées. Ce qui est possible. L’enquête répond partiellement à cet argument. Elle montre que le public reste moins cher, quels que soient les traitements utilisés pour rendre l’eau potable. Nous disons ’partiellement’, car nous ne prétendons pas qu’elle puisse être entièrement représentative de toutes les technologies du secteur de l’eau. Nous avons souhaité exposer ces arguments. Le directeur de l’Ifen nous l’a refusé. On nous a même imposé, en fin de publication, une référence à une étude de l’Inra qui justifie les tarifs du privé. Elle porte pourtant sur les prix de 1998 alors que notre publication traite de l’enquête 2004. Et quand on lit le papier de l’Inra, on découvre que leur thèse ne tient que pour les petites communes. »
L’indépendance des services statistiques est un combat perpétuel [1] . Sans doute essentiel à la démocratie.
Le citoyen consommateur acceptera-t-il longtemps d’avoir l’eau la plus polluée et la plus chère du monde ?
[1] dans tous les domaines : ainsi, récemment, l’Insee a dû manger son chapeau pour ce qui concerne les chiffres du chômage, là aussi, période électorale oblige.