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Nous vivons sur l’idée que le rendement de l’agriculture biologique représente le tiers ou, au mieux, la moitié du rendement de l’agriculture traditionnelle et que la planète ne porte pas suffisamment de terres cultivables pour nourrir l’humanité dans l’hypothèse d’une conversion vers le "bio". En 2002, par exemple, le chimiste britannique John Emsley s’exclamait « La plus grande catastrophe à laquelle la race humaine pourrait faire face durant ce siècle n’est pas le réchauffement planétaire mais une conversion planétaire à ‘l’agriculture biologique’ - environ 2 milliards de personnes en mourraient. »
notre-planète.info a publié, ce 31/08/06, un long article dans lequel Brian Halweil, chercheur à l’Institut Worldwatch, revient sur cette question.
L’auteur y passe en revue plusieurs études qui tendent à montrer qu’on est loin de tels écarts de rendement. Ainsi, une étude récente menée par des scientifiques de l’Institut de recherche pour l’agriculture biologique en Suisse a montré que les fermes biologiques avaient un rendement inférieur de seulement 20% aux fermes conventionnelles sur une période de 21 ans.
Per Pinstrup Andersen (professeur à Cornell et lauréat du World Food Prize) a, lui aussi, conclu de la revue plus de 200 études menées aux Etats-Unis et en Europe que le rendement de l’agriculture bio voisinait 80% de celui de l’agriculture traditionnelle.
Et l’écart se réduit encore (et parfois même s’inverse) quand les études portent sur les pays pauvres. « Une étude sur sept ans portant sur 1000 fermiers cultivant 3 200 hectares dans le district de Maikaal, dans le centre de l’Inde, établit que la production moyenne de coton, de blé et de piment était jusqu’à 20% plus élevée dans les fermes biologiques que dans les fermes conventionnelles de la région, » explique Brian Halweil qui évoque aussi une étude menée au Kenya qui a démontré que si la production de maïs biologique était moins élevée que la production conventionnelle dans les « zones à fort potentiel » (avec des précipitations au-dessus de la moyenne et une meilleure qualité de sol), dans les régions plus pauvres en ressources, en revanche, la production des agriculteurs biologiques dépassait systématiquement celle des agriculteurs conventionnels.
L’auteur s’appuie sur des simulations de Catherine Badgley, paléoécologiste du Michigan, ou encore de Niels Halberg, de l’Institut danois de sciences agricoles, pour convaincre de l’intérêt de s’orienter vers l’agriculture biologique.
Celle-ci, prend-il soin de préciser, ne règle pas tous les problèmes, notamment au niveau de la répartition et des disparités de nutrition qui en découlent, qui sont davantage des problèmes politiques et économiques qu’agricoles.
Il ne masque pas non plus le fait que la conversion à l’agriculture biologique est exigeante. « L’agriculture biologique n’est pas aussi facile que celle qui fait appel aux produits chimiques, explique Brian Halweil. Au lieu de choisir un pesticide pour prévenir l’invasion d’un parasite, par exemple, un agriculteur biologique peut envisager de changer la rotation de ses cultures, de cultiver une plante qui éloignera les nuisibles ou attirera ses prédateurs - des décisions qui demandent une certaine expérience et une planification à long terme. »
Mais, bien sûr, estime-t-il, les avantages qu’apporte l’agriculture biologique sur le plan social (stabilité rurale) et écologique (biodiversité) sont décisifs et méritent promotion. Et l’auteur conclut en se faisant l’avocat d’une "voie du milieu", une éco-agriculture ou agriculture à faible niveau d’intrants qui utilise de nombreux principes de l’agriculture biologique et ne dépend des produits chimiques que pour une petite fraction. Et de citer Roland Bunch, expert agricole qui a travaillé pendant des dizaines d’années en Afrique et en Amérique : « Si cinq cultivateurs réduisent de moitié leur utilisation de produits chimiques, les effets bénéfiques sur l’environnement seront deux fois et demi plus grands que si un cultivateur passe complètement à l’agriculture biologique. »