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Selon l’AFP, les 149 pays membres de l’OMC se rapprochaient d’une crise hier soir, face à l’impasse dans les discussions sur un nouvel ordre commercial mondial, qui « visent à arracher à l’Europe et aux États-Unis davantage d’efforts dans leurs politiques agricoles ».
« Nous mettons en danger l’avenir du cycle de Doha, l’OMC et le système multilatéral lui-même », a lancé le directeur général de l’OMC Pascal Lamy aux négociateurs réunis depuis jeudi. L’importance de ce cycle de négociations n’est pourtant pas "exagérée", a-t-il souligné. « Son potentiel de contribution à la croissance globale, à la correction des déséquilibres et la promotion du développement est évident. » (source).
Mais cette idée d’une « contribution à la croissance globale » est sérieusement mise en doute.
Le député européen, Alain Lipietz, en veut pour preuve une étude de Sandra Polaski de la Fondation Carnegie (.pdf de 1.6 Mo en anglais) qui s’est appliquée à mesurer les effets des différents scénarios du cycle de Doha.
« Il y a des perdants et des gagnants selon les différents scénarios, » explique-t-elle, « et les pays les plus pauvres sont parmi les perdants de tous les scénarios probables de Doha. » Au total, la Chine serait le grand gagnant (entre 0.8% et 1.2% d’augmentation du Produit Intérieur Brut) et les grands perdants seraient les pays d’Afrique sub-saharienne (baisse de 1%). Et l’idée que "les pays du Sud" seraient les bénéficiaires d’une libéralisation du commerce des produits agricoles est battue en brèche.
Selon Alain Lipietz, la situation est en réalité complexe. « Cette libéralisation de l’agriculture correspond aux seuls intérêts d’une coalition qui comprend quelques pays développés : les Etats-Unis, l’Australie, la Nouvelle Zélande, et quelques pays « émergents » : la Thaïlande, le Brésil, et l’Argentine ( ce qu’on appelle le Groupe de Cairn). (...) celle des produits manufacturés profite essentiellement à la Chine. » Quant à la libéralisation des services, qui pourrait rentrer dans les buts du Doha round, c’est à dire l’aide au développement économique du Tiers monde, au titre de l’Inde, elle profiterait essentiellement à l’Union européenne (« Les services dont il s’agit, c’est l’eau, c’est-à-dire la France, c’est la banque et l’assurance, c’est-à-dire la Grande Bretagne, etc. »)
Dans tous les cas, ce grand marchandage, qui n’apporterait pas grand chose à la croissance globale, s’effectuerait au prix de dégâts locaux considérables, explique le député Vert.
Et de plus il ne répond pas aux défis de la planète. « Tous les avantages que peut apporter la libéralisation du commerce (soit dix dollars par personne et par an, au mieux !), c’est ridicule, par rapport à tous les problèmes que nous ne traitons pas à l’intérieur du Doha Round, c’est à dire la conciliation entre le commerce et les nécessités du développement soutenable. (...) Si nous voulons sauver la planète et l’humanité de coûts beaucoup plus élevés que dix dollars par tête, dus au changement climatique, au risque d’un accident portant sur une culture industrielle, OGM ou élevage des animaux aux hormones (nous avons connu ça avec l’accident de la vache folle), alors il faut subordonner l’OMC aux grands accords internationaux que sont la FAO, l’OMS, les accords de Kyoto, le protocole de Carthagena. »
Et Alain Lipietz de conclure : « Nous devons recommencer le Millenium Round en fondant tout sur le développement soutenable : quelles sont les conditions, quelles sont les règles du commerce qui permettent un véritable développement soutenable, solidaire entre les nations, au service des plus démunis, et respectant les droits des générations futures à vivre sur cette planète. »