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Comme l’explique Libération, « le Canard enchaîné » publie « de larges extraits d’un rapport confidentiel de la Direction générale de la consommation de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) établi en mai 2004, à la demande du Conseil de la Concurrence. Celui-ci avait été saisi deux ans plus tôt par l’UFC-Que Choisir qui accusait les trois opérateurs d’entente illicite. Les documents saisis par les inspecteurs de la concurrence lors d’une perquisition au siège des trois opérateurs en 2003 sont édifiants. »
Les passages du rapport de la DGCCRF photocopiés par le Canard Enchaîné laissent effectivement peu de place au doute : « Les trois opérateurs reconnaissent avoir échangé mensuellement depuis 1997 leurs données de marché sur la métropole. .../... Les données échangées ont servi à de nombreuses reprises lors des comités de direction ou des CA et notamment pour surveiller la pacification du marché intervenue depuis 2000. .../... Les notes manuscrites du pdg d’OF de juin et octobre 2002 pourtant sur le « Yalta des pdm » ou sur le fait qu’« il faut que Bytel remonte à 20% » révèle que le pacte portant sur 2000-2001 n’était pas remis en cause en 2002. .../... Il s’agit d’un accord occulte horizontal sur longue période qui vise à geler les pdm vis-à-vis des nouveaux clients. »
Il apparaît donc bien, plusieurs documents en témoignent, que les trois opérateurs français, Orange (filiale de France Telecom), SFR (filiale de Vivendi) et Bouygues Telecom se sont entendus pour faire cesser la fâcheuse guerre des prix et des rabais sur les portables datant de la fin des années 90, et figer, ou peu s’en faut, leurs parts de marché (les « pdm » du document) respectivement à 48%, 36% et 16%.
Selon le Canard, Orange avait une bonne raison de se montrer ainsi conciliante, notamment avec la "petite" Bouygues Telecom. Si l’on en croît l’un des documents, c’est d’ailleurs Thierry Breton (actuel ministre des Finances, mais précédemment acteur important de ce secteur) qui l’a expliqué lors d’une réunion en faisant allusion au « risque réglementaire résultant d’une part de marché à 49,6% ».
En effet, comme l’explique le rapport, un opérateur qui atteindrait 50% de part de marché n’aurait plus le droit de fixer lui-même ses tarifs. Leur fixation relèverait alors de l’Autorité de régulation des télécommunications et du ministère des Finances.
Une perte de marché de Bouygues au profit d’Orange aurait fait franchir ce seuil ; l’autorité de régulation aurait baissé les tarifs d’Orange ; les deux autres auraient dû suivre ...
Au lieu de quoi, grâce à leurs efforts discrets d’harmonisation, les trois opérateurs ont obtenu depuis 5 ans « de très belles performances économiques et financières ». D’après le Canard, Orange et SFR ont réalisé, en 2002, un bénéfice net supérieur à 25% de leur chiffre d’affaires. Et Bouygues, arrivé plus tard sur le marché, ne devrait pas tarder à les rattraper.